1.             LA RÉFORME DU DROIT DES SÛRETÉS

1.1           HISTORIQUE LÉGISLATIF

En 1955, la Loi concernant la révision du Code civil propose de revoir le Code civil de 1866 afin d'y apporter les mises au point opportunes. En 1960, cette loi est modifiée de manière à ce que le rapport demandé devienne un Projet de Code civil. Une structure administrative connue sous le nom de l'Office de révision du Code civil (ORCC) s'occupera du dossier.

En 1969, un arrêté en conseil mentionne que l'ORCC est chargé d'étudier la possibilité d'instituer un système d'enregistrement central, universel et mécanisé. En 1970, le mandat est renouvelé et précise que l'ORCC doit, entre autres choses, faire l'étude et la préparation d'un nouveau système d'enregistrement des droits mobiliers et immobiliers. À la fin de l'année 1977, un rapport global est remis, lequel comporte le Projet de Code civil et deux volumes de commentaires. Celui-ci est déposé à l'Assemblée nationale en 1978.

Dans ce rapport, l'ORCC constate notamment que les règles du droit des sûretés réelles sont multiples, incomplètes et disparates. Depuis la codification de 1866, le droit des sûretés réelles s'est développé à partir d'interventions législatives sporadiques pour donner suite aux nouvelles manières de produire et distribuer les biens et services et surtout afin d'assurer le financement de divers secteurs de l'économie.

C'est ainsi que le domaine des sûretés réelles, limité initialement au contrat de gage, à l'hypothèque et aux privilèges mobiliers et immobiliers, s'est peu à peu étendu aux nantissements agricole, forestier et commercial, au nantissement d'universalité de créances et à certaines sûretés permises par des lois spéciales, telles les charges flottantes créées par acte de fiducie, les connaissements et, plus récemment, les cessions de biens en stock. Avec l'évolution des techniques de crédit ici, dans certaines provinces canadiennes et aux États-Unis, il devient plus difficile de s'accommoder de sûretés multiples et dispersées.

L'ORCC constate également qu'en matière d'enregistrement des droits, les interventions de l'État sont toujours ponctuelles, à l'instar du droit des sûretés. Il s'agit soit de répondre aux besoins de différents intervenants ou de moderniser l'administration.

Depuis 1845, le système d'enregistrement québécois n'a pas fait l'objet d'une révision en profondeur. Plus encore, le Québec, contrairement aux autres provinces canadiennes, n'a pas de registre de droits mobiliers. Plusieurs livres et index diffusent l'information existante.

Pour l'ORCC, il est impérieux de procéder à une réforme qui tient compte des principales critiques formulées. Il propose notamment le regroupement de toutes les formes de sûretés réelles sous le concept d'hypothèque, lequel s'étend autant aux biens meubles qu'aux biens immeubles et réforme le système d'enregistrement des droits réels afin de l'adapter au projet d'hypothèque mobilière. Pour ce faire, il précise la publication des droits immobiliers au registre foncier et celle des droits personnels et réels mobiliers au registre des droits personnels et réels mobiliers.

Par la suite, différents comités d'études seront institués dont un notamment, en 1984, sur le droit des sûretés et la publicité des droits, duquel résultera un avant-projet de loi soumis à la consultation générale en décembre 1986.

Enfin, le projet de loi 125 portant réforme du Code civil du Québec est présenté le 18 décembre 1990. De ce projet de loi étudié article par article en commission parlementaire à l'automne 1991, résulte le nouveau Code civil du Québec adopté le 18 décembre 1991.

Le Code civil du Québec prévoit au Livre sixième, qui porte sur les priorités et les hypothèques,  que les diverses sûretés réelles qui affectent des meubles sont consolidées en un seul régime, celui de l'hypothèque mobilière. La notion de « commerce » est remplacée par celle plus large d'« entreprise » qui couvre toute personne ou groupe de personnes qui produit, fournit ou vend des biens ou des services, qu'elle soit ou non à caractère commercial.

Cette réforme du droit des sûretés s'accompagne d'une modernisation complète et d'une modification en profondeur du régime de la publicité des droits. Ainsi, le Livre neuvième prévoit la création d'un nouveau registre : le registre des droits personnels et réels mobiliers. Celui-ci regroupe les inscriptions qui concernent les hypothèques mobilières ainsi que d'autres droits réels mobiliers et des droits personnels dont la loi prescrit ou autorise expressément l'inscription.

Dans le but d'assurer l'application de la réforme du Code civil, le Projet de loi 38, étudié en commission parlementaire à l'automne 1992, est adopté en décembre de la même année. La Loi sur l'application de la réforme du Code civil comporte les dispositions transitoires applicables ainsi que des modifications au Code de procédure civile et à différentes lois sectorielles, dont la Loi sur les bureaux d'enregistrement.

Le 1er septembre 2022, certains articles de la « Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français »  touchant le RDPRM sont entrés en vigueur. Ces dispositions touchent les réquisitions d’inscription ainsi que les documents devant compléter ces dernières. En effet, un nouveau paragraphe à l’article 2984 C.c.Q. vient préciser que les réquisitions d’inscription sont rédigées exclusivement en français. Par ailleurs, l’article 3006 C.c.Q., également modifié, prévoit que les documents devant être joints aux réquisitions, lorsqu’ils ne sont pas en français, doivent désormais être accompagnés d’une traduction vidimée au Québec (traduction certifiée par un traducteur du Québec).